18 novembre 2021
La gestion de la mise-bas chez la chienne
Par le groupe Anirepro
Quelques rappels sur la mise bas
Durée moyenne de la gestation chez la chienne : 57-72j post-saillie
- 65j post-pic de LH
- 63j post-ovulation
La durée de la gestation chez la chienne est variable selon que l’on considère la date d’ovulation ou la date de saillie (qui donne une durée apparente). Pour connaître une date de mise-bas la plus précise possible, il est impératif de réaliser un suivi de chaleurs. Celui-ci permettra de déterminer une date d’ovulation (et la date de pic de LH également).
Si la date d’ovulation n’est pas connue, il sera possible d’estimer une date de mise-bas grâce aux mesures de foetométrie. Celles-ci sont réalisables par échographie abdominale et seront d’autant plus précises qu’elles sont prises précocement et répétées au cours de la gestation pour affiner le calcul (au moins autour de 25 jours et 40 jours pour estimer le format des vésicules puis des diamètres bipariétaux). Selon les races et la date de gestation, la précision de ces mesures peut cependant être variable.
Les races géantes ont, de plus, tendance à présenter des durées de gestation plus longues. L’influence de la taille de portée est variable selon les études, l’influence de la race semblant plus certaine.
Il est important d’estimer, avec le plus de précision possible, la date de mise-bas pour 2 raisons principales :
- Préparer le lieu de la mise-bas et la chienne (passage à la maternité, découverte du lieu dédié pour la mise-bas, nettoyage au besoin),
- Pouvoir surveiller la chienne qui ne doit pas être sans surveillance dès les prémices de la mise-bas.
Etre disponible pour assister la chienne pendant sa mise-bas est la clef d’une mise-bas réussie. Cela permet également de réagir le plus rapidement possible en cas de problème. En effet, 25% de la mortalité néonatale est en lien avec une dystocie ou une mise-bas de longue durée (Gill, 2001). Il est donc fondamental de détecter un problème immédiatement pour assurer la survie de la majorité des nouveau-nés.
La préparation à la mise-bas comporte aussi la préparation du lieu dédié à cette mise-bas. La chienne doit pouvoir avoir accès à la zone de maternité une semaine avant la date prévue de mise-bas afin de pouvoir s’habituer au lieu. Pour les chiennes à poils longs il sera intéressant de couper les poils pouvant limiter l’accès aux mamelles si besoin est. La chienne pourra aussi être lavée avec es produits adaptés si cela semble nécessaire. Enfin, une attention toute particulière doit être accordée à l’hygiène bucco-dentaire (bien que l’hygiène buccal ait due être vérifiée avant la mise à la reproduction notamment en cas de nécessité de détartrage).
1. Les signes avant-coureurs de la mise-bas
Voici les modifications habituellement observées à l’approche de la mise-bas :
Signes | Durée avant la mise-bas |
Lactation | A partir de 2 semaines prepartum |
Comportement | 5-7 j prepartum |
Chute de température | Abrupt et fugace de 1°C, 12 à 24h prepartum |
Chute de la progestérone | < 2 ng/mL 12-24h prepartum |
Les modifications comportementales et le démarrage de la lactation sont des signes d’une mise-bas proche. Néanmoins, ils peuvent se mettre en place jusqu’à deux semaines avant la mise-bas bien que la lactation soit assez tardive chez les primipares.
Concernant le comportement, dans les jours précédents la mise-bas, la chienne peut commencer à « préparer le nid » : elle rassemble ses jouets et prend possession d’une zone dédiée. Pendant la première phase de la mise-bas (rapide chez les multipares mais pouvant durer plusieurs heures chez les primipares), la chienne peut paraître inquiète et rechercher le contact ou, à l’inverse, s’éloigner.
Concernant la température rectale, une baisse de la température rectale est observée dans plus de 90 % des cas à condition de prendre la température de la chienne 4 à 5 fois par jour (nuit comprise). Cette baisse est d’environ 1°C par rapport à la moyenne des jours précédents dans les 8 à 24 (maxi 48h) heures avant le début du travail. De plus, elle semble plus marquée chez les petites races.
Recommandations
- Prendre la température rectale de la chienne toutes les 5 à 6h en démarrant 4 à 5 jours avant la date présumée de la mise-bas, cela permettra de connaître les variations de la chienne sur la journée.
- Lorsque la température chute de 1°C, surveiller la chienne en permanence.
- Si rien ne se passe au bout de 24h (bien que le maximum soit de 48h) nous conseillons de réaliser un contrôle chez le vétérinaire traitant pour exclure une souffrance fœtale.
La chute de température est liée à la chute de progestérone. Cette chute hormonale correspond au déclenchement de la mise-bas. Ainsi, le seul moyen de savoir qu’une chienne est à terme lorsqu’aucune date d’ovulation n’est connu est le dosage de progestérone. En excluant les cas d’insuffisances lutéales (voir la fiche « Les maladies de la gestation ») et de syndrome du chiot unique, doser la progestérone est le seule moyen fiable de répondre à la question : « ma chienne ne présente aucun signe de mise-bas, est-ce normal ? ».
Les données de la littérature indiquent que la mise-bas se produit dans les 24 à 48h lorsque le taux de progestérone est inférieur à 2ng/mL (attention il existe quelques variations en fonction de la machine de dosage utilisée). Ainsi, une chienne (ayant une portée de plusieurs chiots) ayant dépassé le terme estimé doit avoir un dosage de progestérone. Si celui-ci est supérieur à 2ng/mL, il est possible de conclure qu’elle n’est pas à terme. Si le taux est inférieur à 2ng/mL et que les fœtus ne présentent pas de signe de souffrance fœtale il sera impératif de surveiller la chienne en permanence et de contrôler les signes de souffrance fœtale à l’échographie toutes les 12h pour réaliser une césarienne en urgence en cas d’apparition de signes évocateurs.
2. Déroulement de la mise-bas
La mise-bas se compose de 3 étapes :
- Première phase : préparation à la mise-bas, la chienne présente des contractions utérines uniquement (non perceptibles à l’œil), elle peut être inquiète et chercher de l’attention ou au contraire s’isoler. Cette phase est rapide chez les multipares mais peut durer plusieurs heures chez les primipare.
- Deuxième phase : expulsion des chiots. Cette phase a une durée dépendante du nombre de chiots. Elle dure en général entre 4 et 16 heures.
- Troisième phase : expulsion des placentas. Chez la chienne, cette phase est très souvent concomitante à la précédente. Les placentas sont expulsés entre chaque chiot ou dans les minutes qui suivent l’expulsion du dernier chiot. Il est important de compter ces placentas pour mettre en évidence rapidement une rétention de placenta bien que cette condition soit peu fréquente chez la chienne.
Lors de la deuxième phase, les chiots sont expulsés. Chez la chienne, il est important de savoir que le petit peut se présenter aussi bien par les pattes avant (présentation antérieure), ce qui représente 60% des naissances, que par les pattes arrières (présentation postérieure) dans 40% des cas. Le chiot dont avoir les extrémités (les quatre pattes et la tête) allongées et dans l’alignement du corps comme illustré dans la figure 1.
Les présentations normales du chiot.
Figure A : présentation antérieure, Figure B : présentation postérieure.
D’après Johnston et al, 2001.
Pour détecter une anomalie de la mise-bas le plus rapidement possible il est fondamental de connaître quelques repères temporels. Ces données sont définies dans la littérature. Il ne s’agit évidemment que de repères mais il est important de les suivre et, si jamais l’un d’eux n’était pas respecté, de pouvoir faire un contrôle chez le vétérinaire pour s’assurer que la mise-bas se déroule correctement et que tous les chiots vont bien malgré le dépassement des délais prévus. Le tableau 2 présente les repères temporels à connaître.
Les repères temporels de la mise-bas : quand s’inquiéter ?
Signes | Ne pas s’inquiéter | S’inquiéter |
Pertes des eaux-1er chiot | <30min | >1h |
Pertes des eaux- chiots suivants | <15min | >30min |
Durée entre 2 chiots | 30min | >2h |
Effort expulsifs improductifs | 15min | >30min |
Pertes vertes | Présence lors de la sortie d’un chiot | >30min avant l’arrivée d’un chiot |
Expulsion des placentas | <15min entre chaque chiot | Absence d’un ou plusieurs placentas après la mise-bas |
Les pertes vertes correspondent à l’utéroverdine. Cette utéroverdine est un signe de décollement placentaire. Ainsi, lorsqu’un chiot est expulsé il est normal qu’il y ait des pertes vertes puisque son placenta s’est décroché. Par contre, si des pertes sont observées sans qu’il n’y ait d’expulsion de chiot, ou a fortiori, sans que la mère ne démarre d’effort expulsif, cela signifie qu’un placenta au moins est décollé et donc qu’un chiot va rapidement être en souffrance s’il n’est pas expulsé. La présence de pertes vertes doit donc systématiquement être associée à un chiot.
En fin de mise-bas, si le nombre de chiots n’était pas connu à l’avance ou si, après la sortie du bon nombre de chiot la chienne semble ne pas avoir terminé son travail, il peut être intéressant de réaliser une radiographie abdominale de contrôle pour s’assurer que la mise-bas est effectivement terminée.
Quelques astuces pour aider la mère entre deux chiots
- La faire marcher et faire téter les premiers chiots sortis : cela permet la synthèse, par la femelle, d’ocytocine, hormone induisant des contractions utérines et nécessaire au bon déroulement de la mise-bas
- Laisser la mère se reposer et se balader. Pendant la mise-bas, la chienne a le droit de sortir faire ces besoins. Cependant, ces sorties doivent évidemment être réalisées sous surveillance rapprochée afin que la mise-bas ne se poursuive pas dehors, dans un endroit non contrôlé. Ces sorties permettront à la mère de marcher et favoriseront les contractions utérines
- Lui proposer à manger et à boire : la mère a le droit de manger pendant la mise-bas. Si un grand nombre de chiots sont attendus ou que des signes de fatigues apparaissent, il est possible de donner un peu d’énergie à la chienne, même si elle ne veut pas manger, en appliquant miel ou confiture sur ses gencives. Il est également acceptable, entre deux chiots de donner du calcium (sous forme d’ampoules ou fromage).
Les dystocies
La dystocie correspond à une mise-bas ne se déroulant pas normalement
Chez la chienne, les taux rapportés de dystocies vont de 5 à 36%. Cependant, ce chiffre peut-être très supérieur chez certaines races (notamment les races brachycéphales où ces valeurs peuvent atteindre 90%).
Les causes de problèmes à la mise-bas peuvent avoir une origine maternelle ou une origine fœtale. Chez la chienne, environ 75% des causes de dystocies sont d’origine maternelles. Elles sont résumées ici :
Maternelle | Fœtale |
Inertie utérine | Malprésentation |
Races brachycéphales | Malposition |
Races miniatures | Malposture |
Races géantes | |
Défaut de conformation du bassin | |
Age1ere chaleurs, Primipares >6ans | |
Dystocie obstructive | |
Disproportion foeto-maternelle |
L’inertie utérine
Voici les différentes causes d’inertie utérine :
Primaires : sepsis, mauvais état général, défaut de contractilité utérine, « one puppy syndrome » ou syndrome du chiot unique, trop grande portée (distension utérine), hypocalcémie, obésité
Secondaires : Epuisement de la chienne sur grand portée, dystocie obstructive par :
- disproportion fœto-maternelle (syndrome du chiot unique des petites races par exemple)
- Torsion ou rupture utérine
- Hernie inguinale
- Anomalie vaginale ou vestibulaire
- Mauvaise conformation du bassin
L’inertie utérine est souvent diagnostiquée lorsque les repères temporels définis plus haut ne sont pas respectés. Lorsqu’elle est suspectée, il est impératif de consulter votre vétérinaire traitant. Il évaluera l’état de santé des chiots et, en fonction de ses examens cliniques et complémentaires (état général de la chienne, état de vitalité des chiots ainsi que leur nombre et position, et bilan sanguin de la chienne), pourra proposer un traitement médical ou une césarienne d’urgence.
Les défauts de présentation/position/posture du chiot sont aussi des causes importantes de dystocie. La figure suivante en présente quelques unes :
Figure : Quelques défaut de présentation et de posture du chiot (d’après Johnston et al, 2001).
Figure C : pattes avant repliées ;
Figure D : pattes arrières repliées ;
Figure E : déviation latérale de la tête ;
Figure F : déviation ventrale de la tête ;
Figure G : Présentation transverse.
Les races miniatures sont prédisposées aux dystocies. Souvent, ces dystocies sont liées à une disproportion foeto-maternelle en particulier sur les petites portées.
Chez les races géantes, le problème peut venir du surnombre de petits. L’utérus, s’il est trop distendu, peut être dans l’incapacité à se contracter, provoquant ainsi une inertie utérine primaire. Des inerties utérines secondaires sont également possible chez les chiennes à grandes portées liées à un épuisement. Souvent, cela se mettra en place après la sortie de plusieurs chiots. La chienne semble alors faire une « pause ».
- Comment aider la chienne ?
En cas de doute, il est toujours recommandé de vous référer à votre vétérinaire.
Cependant, en cas de présentation du chiot à la vulve, il est possible de tenter, à la maison, d’aider la chienne. Pour cela il faut avoir à sa disposition :
- Des gants, il est toujours obligatoire de porter des gants lorsqu’on manipule un chiot dans la filière perlvienne,
- Du gel lubrifiant (vaseline par exemple ou tout autre lubrifiant)
- De quoi réanimer les chiots (voir la trousse de réanimation dans la fiche « Préparation de la caisse de mise-bas et réanimation des nouveau-nés »)
Le premier impératif lorsqu’un chiot est coincé, est de lubrifier la filière pelvienne. Pour cela, il suffit d’appliquer de la vaseline, avec un doigt ganté, tout autour du chiot.
Il faut, dans un second temps, s’assurer que le chiot a une posture normale : que la tête et les deux pattes avant sont allongées en présentation antérieure ou que la queue et les deux pattes arrières sont allongées en présentation postérieure. Si ce n’est pas le cas, il faut rectifier la posture en tentant d’allonger le membre manquant.
Il ne faut jamais tirer le chiot en agrippant uniquement la queue ou un membre, cela peut casser. Il faut soit tirer délicatement sur la tête en plaçant les doigts en arrière des mandibules, soit tirer délicatement sur les deux pattes arrière comme indiqué sur la figure suivante. La traction doit toujours se faire à l’occasion d’une contraction de la mère. De plus, le chiot doit être tirée en orientant la traction vers les pattes de la mère et surtout pas dans l’axe de sa colonne vertébrale.
Figure : Traction du chiot.
Une fois le chiot expulsé, les procédures de réanimation classiques seront à appliquer (voir « Préparation de la caisse de mise-bas et réanimation des nouveau-nés »).
63,8 à 65% des dystocies sont traitées par césarienne.
Il est donc essentiel d’agir rapidement afin que le traitement médical ou la césarienne soit mis en place le plus rapidement possible pour assurer le bon rétablissement de la chienne et la survie de la majorité des chiots.
Une fois le chiot expulsé, les procédures de réanimation classiques seront à appliquer (voir « Préparation de la caisse de mise-bas et réanimation des nouveau-nés »).
63,8 à 65% des dystocies sont traitées par césarienne. Il est donc essentiel d’agir rapidement afin que le traitement médical ou la césarienne soit mis en place le plus rapidement possible pour assurer le bon rétablissement de la chienne et la survie de la majorité des chiots.
- Cas particulier du syndrome du chiot unique
Chez la chienne, la présence d’un chiot unique n’est jamais souhaitée. En effet, la proportion de dystocie lors de portée unique est élevée. Deux cas de figures se présentent :
- Chienne de race miniature : la mise-bas se déclenche en général mais il existe un fort risque de disproportion foeto-maternelle,
- Chienne de grande race : il existe alors un fort risque de défaut de déclenchement de la mise-bas.
Le déclenchement de la mise-bas implique une cascade de réactions hormonales et physiques. Cependant, le point initial est dépendant des fœtus. Pour simplifier et imager le processus, le déclenchement est sous contrôle des fœtus une fois leur maturité atteinte. Ainsi, chez une grande chienne, le signal d’un chiot unique n’est parfois pas détectable par la mère. La mise-bas ne se déclenche pas, la mère ne présente aucun signe avant-coureurs ni de perte des eaux et le chiot fini par décéder dans l’utérus.
La prise en charge de la gestation avec chiot unique est donc très compliquée. En effet, on pourrait penser que le problème se résout rapidement grâce à une césarienne programmée. Ceci est possible à condition de connaître la date d’ovulation. Connaissant cette date, il est possible de réaliser la césarienne en toute sécurité car le chiot sera à maturité le jour choisi. Si la date d’ovulation n’est pas connue, être certain de la maturité fœtale le jour de la césarienne n’est pas possible. Le facteur de certitude défini en première partie de cette fiche, la chute de progestérone, n’est également pas utilisable dans ce cas particulier. En effet, si la mise-bas ne se déclenche pas seule, c’est justement parce que la progestérone ne chute pas. Ainsi, on ne peut donc pas utiliser ce dosage. Evidemment, lors d’un suivi, le dosage sera tout de même réalisé car si ce syndrome est fréquent, il existe tout de même un certain nombre de chiennes qui chutent en progestérone et mettent-bas naturellement. Il ne faut donc tout de même pas négliger la progestérone.
Lorsque la date d’ovulation n’est pas connue, il faudra donc dater approximativement la mise-bas grâce aux mesures de foetométrie puis réaliser des échographies de contrôle toutes les 12 à 24h. Si le chiot devait présenter des signes de souffrance fœtale, la césarienne serait alors réalisée.
En conclusion, il est essentiel de connaître, avec le plus de précision possible, la date de mise-bas afin d’être présent pour surveiller son déroulement. Pour cela, connaître la date d’ovulation est le meilleur outil.
La réalisation d’un suivi de chaleurs lors de la mise à la reproduction d’une chienne est donc TOUJOURS RECOMMANDEE, quelque soit l’animal, sa race ou ses antécédents. La présence du propriétaire est essentielle. Néanmoins, si tout se passe bien, cette présence ne doit permettre qu’une simple surveillance à distance pour ne perturber la chienne. En cas de doute au cours de la mise-bas, nous recommandons une visite rapide chez le vétérinaire traitant.