3 février 2022
Prothèse unicompartimentale du coude chez le chien
La prothèse unicompartimentale du coude est un système de remplacement articulaire qui permet de suppléer partiellement les surfaces cartilagineuses érodées de la partie médiale de l’articulation.
Par le Dr Stéphane Bureau, Dipl ECVS, spécialiste européen en chirurgie
Dans la fin des années 2000, James L. Cook, et Kurt Schultz, en association avec l’ingénieur d’Arthrex Josh Karnes, ont développé une technique de prothèse unicompartimentale du coude chez le Chien. Le but de cette prothèse est d’aider à la gestion de certains chiens boitant à cause de douleurs au coude secondaires à une «maladie du compartiment médial».
Le compartiment médial du coude regroupe les structures anatomiques de la face interne du coude. Cette partie est souvent affectée lors de dysplasie du coude et le terme de « maladie du compartiment médial » est alors employé. Chez certains chiens, cette maladie se traduit plus spécifiquement par une érosion, une perte du cartilage avec exposition de l’os sous chondral (l’os situé sous le cartilage). L’os contient des fibres nerveuses (les nocicepteurs) qui sont alors stimulées et entrainent une forte douleur. L’origine de cette érosion du cartilage est mal déterminée. Il est suspecté que des forces excessives causées par un défaut d’alignement des surfaces articulaires (désigné sous le terme d’incongruence), un surpoids, un niveau d’activité élevé, puissent provoquer une charge excessive du compartiment médial.
Des traitements médicaux utilisés pour prendre en charge l’arthrose peuvent être utilisés en première intention pour soulager l’inflammation et la douleur. Néanmoins, aucune preuve scientifique de leur efficacité est rapportée dans le cas spécifique de l’érosion. Dans certains cas, une légère amélioration est notée mais la disparition temporaire des signes cliniques conduit à une prise en charge chirurgicale retardée.
Il existe plusieurs traitements chirurgicaux pour traiter l’érosion du compartiment médial dont la prothèse unicompartimentale du coude.
Principe de la prothèse
La prothèse unicompartimentale est un système de remplacement articulaire qui permet de suppléer partiellement les surfaces cartilagineuses érodées de la partie médiale de l’articulation. Elle permet de remplacer le contact os sur os par un contact implant sur implant pendant l’appui et permet donc de soulager les pressions et les frottements articulaires. Elle présente plusieurs avantages: la restoration d’une charge la plus physiologique possible dans le compartiment médial; le maintien de la pronation supination; la conservation de la cinématique articulaire; une implantation sans altération des structures articulaires stabilisatrices; une faible morbidité. Par contre elle ne permet la prise en charge que d’une partie du cartilage et ses indications doivent donc être parfaitement posées.
Etapes préliminaires
Les examens d’imagerie (radiographie et/ou scanner) souvent réalisés, dans le cadre de l’exploration du coude douloureux et pour le diagnostic de la dysplasie, ne permettent pas d’apprécier l’érosion cartilagineuse. Ils ne visualisent que le tissu osseux, pas le tissu cartilagineux. Ainsi sont mises en évidence des lésions d’arthrose, un collapsus ou effondrement de l’articulation, une incongruence. L’examen de choix pour évaluer le tissu cartilagineux et déterminer si la pose d’une prothèse unicompartimentale est indiquée est l’arthroscopie.
L’arthroscopie est un acte chirurgical consistant à introduire une caméra dans l’articulation. Elle permet de faire un bilan lésionnel du cartilage et des structures intra-articulaires (figure 1), un lavage articulaire réduisant l’inflammation et un éventuel traitement de certaines lésions (comme par exemple le retrait de fragment de cartilage).
Figure 1 : Images arthroscopiques. A. Coude atteint d’une érosion du compartiment médial: le cartilage (en blanc) a quasiment disparu laissant apparaitre largement l’os sous chondral (rosé). Il y a également un fragment ostéo-cartilagineux correspondant à la pointe du coronoïde
B. Par comparaison le compartiment médial d’un coude sain: le revêtement cartilagineux est homogène, blanc.
Nature de la prothèse
La prothèse développée par Arthrex est en deux parties : une partie humérale et une partie ulnaire (figure 2).
Le composant huméral a une forme en huit ou de raquette à neige. Il est composé d’une surface en cobalt-chrome, lui accordant résistance et durabilité, montée sur une base en titanium (Biosync) ayant une forte résistance à la corrosion et une excellente biocompatibilité. Cette base permet la croissance osseuse et la stabilité de l’implant à moyen et long terme.
Le composant ulnaire est composé de la même base, avec une surface en polyéthylène de très haut poids moléculaire, légèrement bombée. Les implants sont disponibles en deux tailles, permettant de couvrir une large gamme de poids (25-75kg), dont le choix est déterminé pendant l’intervention. Une combinaison (M avec L) est possible. Ces implants ont été développés pour être de petite taille tout en assurant un contact réciproque au delà de l’amplitude physiologique évaluée en moyenne de 111° à 136°.
Figure 2 : Implant de Canine Unicompartmental Elbow (CUE) Arthroplasty System, développée par Arthrex. A. composant huméral. B. Composant ulnaire. Au cours de la chirurgie, une attention particulière est portée sur la position des implants, qui doivent, in fine, s’affronter quelque-soit le degré de flexion du coude.
Deux forages sont réalisés, dans l’ulna puis dans l’humérus et les prothèses sont impactées dans l’os (figure 3). L’ostéo-intégration des prothèses se fait progressivement en 3-4 mois.
Figure 3 : Radiographies postopératoires (vues de face et de profil). Les deux éléments d’opacité minérale correspondent à la prothèse. Les deux composants de la prothèse sont en contact et limitent ainsi les contacts os-os.
Soins postopératoires
Suite à la chirurgie, un pansement contentif à changer tous les 15 jours est mis en place pendant 4 à 6 semaines. Il est associé à une restriction stricte de l’activité (pas de sauts, pas de course, pas de jeux et sorties en laisse courte) pendant 12 semaines. Une reprise progressive de l’activité est ensuite recommandée pendant 3 mois, pouvant être associée à de la physiothérapie.
Des contrôles radiographiques à 6 semaines, 3 mois et 6 mois postopératoires permettent de s’assurer de l’intégration des implants, de la bonne évolution clinique et d’ajuster la prise en charge si besoin.
Sur des animaux en surpoids, la perte de poids est également conseillée car elle permet de diminuer les contraintes sur l’articulation douloureuse.
Pronostic
Le pronostic fonctionnel post-opératoire est bon à réservé. Dans une étude multicentrique sur 52 cas publiée en 2019, la fonction du membre est parfaite ou acceptable dans 98% des cas lors du suivi à 7 mois avec un taux de complication global d’à peine 20%. Un article dans la presse vétérinaire française publiée par un des chirurgiens du CHVA, le Dr Bureau, rapporte sur 9 prothèses un résultat excellent dans 44,5% des cas avec une disparition complète de la boiterie lors du suivi à 6 mois, et acceptable dans 55,5% des cas avec une nette amélioration de la fonction et de l’appui mais persistance d’une boiterie par moments.
Les chiens plus âgés semblent récupérer moins bien que les jeunes. La récupération et l’obtention du résultat « final » peut demander plusieurs mois.
Références
- KA. Bruecker, K Benjamino, A Vezzoni, et al. Canine Elbow Dysplasia: Medial Compartment Disease and Osteoarthritis, Veterinary Clinics of North America: Small Animal Practice, Volume 51, Issue 2, 2021, pp 475-515.
- Cook JL, Schulz KS, Karnes GJ, et al. Clinical outcomes associated with the initial use of the Canine Unicompartmental Elbow (CUE) Arthroplasty System(®). Can Vet J. 2015;56(9):971-977.
- Bayer K, Winkels P, Andreoni AA, et al. Complications and short-to-midterm results in a case series of 52 CUE procedures using a modified caudo-medial approach. Open Vet J. 2019;9(3):205-215. doi:10.4314/ovj.v9i3.4
- Garcia M, Bureau S. Indications et intérêts de la prothèse unicompartimentale du coude. Revue vétérinaire clinique 2020 https://doi.org/10.1016/j.anicom.2020.08.002