Focus vétérinairesDermatologie

16 mars 2021

Les biopsies cutanées

La biopsie cutanée est indiquée dans certains cas de dermatologie animale. Par Emmanuel Bensignor (Dipl. ECVD)

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La biopsie cutanée est indiquée dans certains cas de dermatologie animale. Cet examen retardé vise à prélever toutes les couches cutanées afin de réaliser un examen histologique, immunologique, de microscopie électronique, bactériologique, mycologique etc… Une anesthésie locale est le plus souvent suffisante. On distingue deux techniques distinctes : la biopsie au trépan et la biopsie en côte de melon.

Principe de la biopsie cutanée

Le principe de la biopsie cutanée consiste à prélever une carotte de peau concernant la totalité des couches cutanées, c’est-à-dire à la fois l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Le prélèvement obtenu est envoyé à un laboratoire de diagnostic pour un examen spécifique : examen histopathologique, immunofluorescence, microscopie électronique, examen bactériologique ou mycologique, examen immunopathologique, examen génétique par exemple.

Limites

Comme tout examen complémentaire, la biopsie cutanée doit être réalisée selon des règles précises visant à optimiser son efficacité (cf infra). Par ailleurs, cet acte notamment pour l’histopathologie, est souvent considéré à tort comme la solution de dernier recours permettant toujours un diagnostic, il n’en est rien : la biopsie cutanée ne remplacera jamais un bon sens clinique.

Indications

On distingue des indications absolues (il s’agit de l’examen de choix à réaliser dans le cadre de la consultation dermatologique pour asseoir son diagnostic, comme face à une dermatose nodulaire ou en cas de suspicion de dermatite auto-immune ou de génodermatose (tableau 1) et des indications relatives (la biopsie est utile mais non indispensable dans la démarche diagnostique (c’est le cas de certains états kératoséborrhéiques ou de phénomènes alopéciques par exemple).

Tableau 1 : indications absolues de la biopsie cutanée pour examen histopathologique

  • dermatites auto-immunes, génodermatoses
  • traitements antérieurs inefficaces
  • suspicion de néoplasie
  • ulcérations persistantes
  • toute dermatose d’aspect inhabituel

Matériel

Le matériel à utiliser est assez limité, et facilement accessible en pratique quotidienne. Il faudra disposer d’anesthésiques (une anesthésie locale est le plus souvent suffisante, une anesthésie générale est justifiée pour les biopsies de la face, des pieds, de la zone anogénitale, de la queue, ou pour les biopsies profondes), d’une petite trousse de chirurgie cutanée et de trépans de différents diamètres (4 millimètres pour les biopsies de la truffe et des pavillons auriculaires chez le chat, 6 millimètres pour les autres prélèvements) (tableau 2).

Tableau 2 : matériel nécessaire pour les biopsies cutanées

  • anesthésiques (xylocaïne par exemple)
  • trépans de 4 et 6 mm de diamètre
  • lame de scalpel
  • ciseaux fins
  • pince à bord mousse
  • compresses
  • matériel de suture
  • flacon de fixateur
  • matériel d’expédition et formulaire d’anamnèse

Technique

Sites prélevés

Il est primordial de choisir avec attention les zones à prélever. On privilégiera les lésions primaires, plus représentatives de la dermatose, et on évitera les zones excoriées ou traumatisées. Le tableau 3 rapporte les principales lésions intéressantes à sélectionner. En règle générale, il est toujours bon de réaliser plusieurs prélèvements qui multiplieront les chances d’obtenir une lésion représentative et diagnostique.

Tableau 3: choix des lésions à biopsier

Souvent intéressant :

  • vésicule/bulle/pustule
  • papules/plaques/nodules

Souvent inintéressant :

  • squames, croûtes, érosions, ulcères
  • hyperpigmentation, lichénification
  • érythème

Geste technique

Deux techniques sont disponibles. La biopsie au trépan est plus rapide, plus facile et moins douloureuse et sera donc à privilégier. La biopsie en côte de melon est plus délicate, elle permet d’obtenir des prélèvements plus profonds, de réaliser un prélèvement à la fois de la peau lésée et de la peau saine et d’orienter l’échantillon. Cette seconde technique est donc à choisir en cas de lésions profondes, de phénomènes ulcératifs ou de lésions fragiles comme les pustules de grande taille ou les bulles.

Le site à biopsier est visualisé par un marqueur indélébile. Les poils sont coupés au ciseau (la tonte risquant de détruire les lésions superficielles). Une anesthésie locale est réalisée par l’injection d’un milllilitre de xylocaïne par voie sous-cutanée traçante.

Biopsie au punch

Le trépan est tournée d’un seul mouvement, en enfonçant doucement dans les tissus cutanés jusqu’à « sentir » que le mouvement de résistance s’estompe, ce qui signifie l’atteinte de l’hypoderme. Il est ensuite délicatement retiré. La biopsie est saisie par une pince par sa base, en prenant soin de ne pas l’écraser, puis est sectionnée aux ciseaux. Le prélèvement est essuyé sur une compresse, puis plongé dans le liquide de fixation adéquat. La plaie est désinfectée et un point cutané permet de refermer la zone.

Biopsie au bistouri

Il est important de bien maintenir la peau tendue à plat. Le bistouri est enfoncé jusqu’à l’hypoderme et une incision est réalisée autour de la lésion à environ 1 centimètre de distance, perpendiculairement (schéma). Le prélèvement lésionnel est saisi par sa base avec une pince et délicatement découpé. Il faut l’essuyer soigneusement avant de la plonger dans le fixateur. L’hémostase et les sutures sont classiques.

Préparation des échantillons

Les échantillons sont plongés dans un fixateur adéquat, dont la nature dépend du type d’analyse souhaitée (exemple : formol pour un examen histopathologique, soluté physiologique pour un examen mycologique ou bactériologique, glutaraldéhyde pour la microscopie électronique etc…).

Ils sont acheminés au laboratoire avec un formulaire d’anamnèse complet, qui précise l’espèce, la race, le sexe, l’âge, le type de lésion biopsiée et les hypothèses diagnostiques envisagées.

Conclusion

La biopsie cutanée est un examen complémentaire fondamental qui permet dans bien des cas de faire le diagnostic ou d’orienter le clinicien dans sa démarche diagnostique. Il faut cependant réaliser qu’il ne s’agit que d’un examen complémentaire, dont les résultats doivent être interprétés avec précaution par le clinicien. La valeur de cet examen sera optimisée en dialoguant avec le laboratoire.

Références

  • Bensignor E, Germain PA. Dermatologie du chien et du chat. MédCom, Paris, 2007
  • Scott D.W., Miller WH, Griffin CE. Small Animal Dermatology, 6th Ed., WBSaunders, Philadelphia, 2001