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16 mars 2021

Chirurgie des voies biliaires

Les voies biliaires se divisent en voies extrahépatiques (vésicule biliaire, canal cystique, canal cholédoque) et en voies intrahépatique (canalicules biliaires). Par Jean Philippe Billet (Dipl. ECVS)

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Les voies biliaires se divisent en voies extrahépatiques (vésicule biliaire, canal cystique, canal cholédoque) et en voies intrahépatique (canalicules biliaires). Les affections biliaires sont multiples et peuvent être aisément confondues avec d’autres maladies car leurs signes cliniques sont généralement peu spécifiques. Les affections nécessitant une intervention chirurgicale sont classiquement les obstructions des voies biliaires extrahépatiques, les ruptures des voies biliaires et les cholécystites.

Précautions pré-opératoires

La pathologie biliaire est étroitement liée à la pathologie hépatique et pancréatique. Le foie joue un rôle prépondérant dans le métabolisme des glucides, protéines et lipides. Il est responsable de la détoxification et de l’élimination des toxines endogènes et exogènes dont font partie les agents anesthésiques. Une obstruction prolongée des voies biliaires peut entraîner une malabsorption de la vitamine K. Il peut en découler une déficience des facteurs de coagulation VII, IX, et X. Les temps de saignement sont donc mesurés avant la chirurgie. Une supplémentation en Vitamine K1 24 à 48 heures, une transfusion de sang total ou de plasma doit être envisagée avant la chirurgie si les temps de coagulation sont augmentés.

Avant toute chirurgie, l’animal est stabilisé hémodynamiquement, son hypoprotéinémie et ses déséquilibres hydro-électrolytiques sont corrigés.

Indications et type de chirurgie

Les obstructions des voies biliaires

Les obstructions des voies biliaires extrahépatiques sont classées en extraluminales, intraluminales, intramurales ou duodénales en fonction de leur localisation. Les deux principales causes d’obstructions extraluminales sont la pancréatite (chronique fibrosante ou aiguë) et les tumeurs. Les obstructions intraluminales peuvent être secondaires à une mucocèle biliaire, une cholangite (18%), des calculs (9%), des caillots de sang ou des parasites. Les causes d’obstruction intramurale sont les cholécystites, les tumeurs (9%), et les sténoses (4%). Les obstructions d’origine duodénale sont classées en bénigne (corps étranger), infectieuse/inflammatoire (histoplasmose et maladie inflammatoire chronique intestinale) et tumorale.

Chez le chien, les causes les plus communes d’obstructions des voies biliaires extrahépatiques sont la pancréatite et les tumeurs. Chez le chat, c’est la tumeur pancréatique ou biliaire, puis les maladies inflammatoires chroniques (pancréatite, cholangiohépatite, cholelithiase, cholécystite).

Les signes cliniques sont l’ictère (73%-100%), l’anorexie (55%-95%), les vomissements (53%-55%), la léthargie (49%-82%) et la perte de poids (22%-82%).

1. Les calculs biliaires

Les cholélithiases et cholédocholithiases sont des calculs présents soit dans la vésicule biliaire, soit dans le canal cholédoque. Les calculs biliaires sont le plus souvent des découvertes fortuites et sont, dans 75% des cas, asymptomatiques. Dans certains cas ils sont associés à une cholécystite, une obstruction ou une rupture des voies biliaires extrahépatiques.

Le diagnostic est majoritairement échographique car non-invasif et relativement fiable. Dans 66% à 78% des cas, les cholélithiases sont multiples ; l’exploration chirurgicale de tout le tractus biliaire est donc essentielle. Dans 17% des cas, la vésicule biliaire est rompue et une péritonite biliaire est associée.

La cholécystectomie (retrait de la vésicule biliaire) est obligatoire en cas de cholécystite et de rupture de la vésicule biliaire, et reste préférée à la cholécystotomie (ouverture de la vésicule biliaire). La cholédochotomie est indiquée uniquement dans les cas où les cholédocholithiases ne peuvent pas être délogées par hydropulsion du canal cholédoque.

Chez le chat, en retirant la vésicule biliaire, la résolution des signes cliniques est excellente sauf en cas de lipidose hépatique. Chez le chien, le taux de survie est de 33 à 86%, les facteurs négatifs étant la cholécystotomie, la cholécystoduodénostomie, la plastie du sphincter d’Oddi et la cholécystite.

2. La pancréatite

Le trajet du canal cholédoque se fait le long du corps du pancréas avant de rejoindre la papille duodénale majeure. Chez l’homme, dans 27% des cas de pancréatite, une obstruction du canal cholédoque est associée. La pancréatite entraîne une fibrose et une sténose du canal cholédoque. En plus des signes de pancréatite, le développement d’une obstruction des voies biliaires extrahépatiques augmente la douleur abdominale, prédispose aux infections, aux cholécystites, et potentialise le risque de rupture de la vésicule biliaire. L’ictère apparaît dans les 9 jours après le début de la pancréatite. Généralement l’obstruction est levée avec la résolution de la pancréatite.

La pose d’un stent cholédochoduodénal endoluminal est la technique chirurgicale de choix car rapide, peu invasive et cela permet de biopsier le pancréas. Le stent est posé par ouverture du duodénum et cathétérisme de la papille duodénale majeure. Il est fixé au duodénum et permet de drainer les voies biliaires dans le tube digestif.

Le pronostic est fonction du développement de la pancréatite.

3. La mucocèle biliaire

La mucocèle biliaire se caractérise histologiquement par une hyperplasie des cellules à mucus au niveau de la muqueuse de la vésicule biliaire et par une accumulation de mucus dans la lumière de la vésicule. La cause de l’hypersécrétion de mucus reste inconnue. Dans 80% des cas, la paroi de la vésicule biliaire est nécrotique. Les animaux avec un hypercorticisme ont 27 fois plus de chance d’avoir une mucocèle et ceux présentant une hypothyroïdie ont un risque multiplié par 3.

Les symptômes cliniques peuvent être absents ou peu spécifiques : vomissement, anorexie et léthargie. Les signes cliniques sont la douleur abdominale, l’ictère et l’hyperthermie. Le diagnostic est échographique, la bile est immobile et hyper-échogéne, et la lumière de la vésicule biliaire ressemble à la coupe d’un kiwi. La dilatation des canaux biliaires n’est pas toujours présente. Dans 50% des cas la vésicule biliaire est rompue. Malgré l’absence histologique d’infection, dans 9% à 67% des bactéries ont été mises en évidence dans la bile.

La cholécystectomie associée à une hydropulsion pour purger le canal cholédoque et la pose ou non d’un stent sont les traitements de choix pour les mucocèles biliaires.  En cas de rupture de la vésicule biliaire, la gestion de la péritonite biliaire est une urgence. Une cholécystotomie est effectuée, l’abdomen est très largement lavé et un drainage abdominal fermé est réalisé par la mise en place d’un drain de Blake.

Les principales complications post-opératoires sont la pancréatite et la péritonite biliaire. La mortalité per-opératoire est élevée (22% à 40%). Le pronostic est excellent pour les animaux survivants à la période post-opératoire immédiate.

4. Les malformations

Elles peuvent être congénitales, traumatiques ou iatrogènes. Les malformations traumatiques et iatrogènes sont des pseudo-kystes biliaires qui font suite à la section d’un canal biliaire lors d’une biopsie hépatique ou de la dissection du foie.  Un pseudo-kyste se forme à l’intérieur ou est adjacent au foie. Le traitement se fait par ponction écho-guidée, exérèse chirurgicale ou marsupialisation.

L’atrésie du canal cholédoque, la vésicule biliaire bilobée et le diverticule du canal cystique ont été décrits comme malformation congénitale du système biliaire. Le traitement des malformations du canal cholédoque est la cholécystoduodénostomie, et celui des anomalies de la vésicule biliaire est la cholécystectomie, la présence d’une vésicule bilobée est normale chez le chat.

5. Les tumeurs des voies biliaires

Elles sont rares mais pas exceptionnelles. Le traitement est la cholécystectomie avec ou sans  mise en place d’un stent. Le pronostic est bon pour les adénomes. Pour les adénocarcinomes et les tumeurs neuroendocriniennes, le pronostic à court terme n’est pas forcément mauvais.

Pour les tumeurs du canal cholédoque, la cholécystoduodénostomie est indiquée avec retrait du canal cholédoque en faisant attention au canal pancréatique principal.

Les ruptures des voies biliaires

1. Péritonite biliaire

La fuite de bile dans la cavité abdominale entraîne une inflammation chimique du péritoine. Les causes les plus communes sont la cholécystite nécrosante, le traumatisme, la mucocèle et l’obstruction des voies biliaires extrahépatiques. La fuite de bile se fait par rupture ou fuite de la vésicule biliaire ou des conduits biliaires.

L’apparition des symptômes est retardé par rapport à la fuite biliaire, les signes cliniques sont modérés et peu spécifiques : ictère (83%), distension abdominale (70%), vomissement (67%), anorexie (62%), hyperthermie (41%), douleur abdominale (33%), perte de poids (12%) et seulement 8% des animaux présentent un état de choc. Les signes de péritonite semblent plus sévères dans les cas de péritonite septique.

Le traitement commence par la stabilisation de l’animal.

L’abdomen est exploré, les prélèvements de tissus sont réalisés. La rupture ou la fuite est identifiée et traitée par reconstruction, ligature, cholécystectomie ou cholécystoduodénostomie en fonction de son origine. L’abdomen est lavé copieusement, un drain est mis en place (drain de Blake).Les complications post-opératoires sont fréquentes (86%) : anémie, hypoprotéinémie, vomissement, CIVD, œdème, thrombose veineuse, et diarrhée. La principale cause de décès ou d’euthanasie est le sepsis. La mortalité est significativement plus importante dans le cas d’une péritonite septique (55% et 73%) que d’une péritonite stérile (13% et 0%). Le taux de neutrophiles est significativement plus bas chez les animaux survivants (moyenne de 20 608/mm3) que chez les animaux décédant (moyenne de 35 712/mm3).

2. Les cholécystites nécrosantes

Trois types de cholécystite sont décrits : type I, cholécystite nécrosante avec rupture de la vésicule biliaire ; type II, cholécystite aiguë avec perforation de la vésicule biliaire et péritonite ; et type III, cholécystite chronique avec des adhérences entre la vésicule biliaire, l’omentum, le foie.

La cholécystite nécrosante est une des principales indications pour la chirurgie des voies biliaires [28].  Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : vomissement, hyperthermie et douleur abdominale. Une cholécystite emphysémateuse est présente dans 19% des cas et 78% des vésicules biliaires sont rompues au moment de la chirurgie. Dans 81% des cas, la culture bactériologique de la bile est positive.

Le traitement doit être agressif : administration d’antibiotiques, lutte contre l’état de choc (réanimation liquidienne), puis une fois l’animal stabilisé, l’abdomen est exploré chirurgicalement. Si le canal cholédoque est toujours fonctionnel, la cholécystectomie est recommandée ; s’il est obstrué ou sténosé, un stent est mis en place. La réanimation post-opératoire (supplémentation en potassium, perfusion de plasma, transfusion) est cruciale pour augmenter les taux de survie.

La mortalité est de 25% à 39%. 50% des animaux avec une pancréatite associée décèdent. Un retard de diagnostic de la cholécystite nécrosante est directement associé à un mauvais pronostic.

3. L’infarctus de la vésicule biliaire

Le diagnostic d’infarctus de la vésicule biliaire se fait à l’analyse histologique ; la présence de vaisseaux athéromateux et thrombus avec ou sans  signes discrets d’inflammation est décrite. Les signes cliniques restent non spécifiques, 50% des animaux ont une rupture évidente macroscopiquement de la vésicule biliaire, les autres 50% ont juste une distension de la vésicule. La cholécystectomie est le traitement chirurgical recommandé. Les 33% de mortalité sont des animaux qui décèdent dans les 2 semaines après la chirurgie. Le pronostic reste bon pour les animaux survivants à la période post-opératoire immédiate.

4. Rupture traumatique des voies biliaires

Les traumatismes biliaires restent inhabituels. Ils sont secondaires à des blessures par balle ou à un accident  de la voie publique. Anatomiquement, ils peuvent intervenir au niveau du foie, au niveau de la vésicule biliaire ou du canal cystique, et au niveau du canal cholédoque.

Les symptômes n’apparaissent que 3 à 30 jours après le traumatisme. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : ictère, distension abdominale. Les lésions concomitantes des autres organes abdominaux sont rares. La présence échographique d’une ascite associée à une distension de la vésicule biliaire et du canal cholédoque est très suggestive d’une rupture du tractus biliaire extrahépatique. L’analyse biochimique du liquide d’épanchement est diagnostique. Les sites de rupture les plus fréquents sont le canal cholédoque, le canal cystique ou les canaux hépatiques lobaires et non la vésicule biliaire.

Le traitement est celui des péritonites biliaires. L’écoulement de bile est jugulé, le canal cholédoque est reconstruit en cas de rupture.

Le pronostic est généralement bon.

Références

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  • Choledochotomy and primary repair of extrahepatic biliary duct rupture in seven dogs and two cats (2011) Baker SG, Mayhew PD, Mehler SJ. J Small Anim Pract. Jan;52(1):32-7.