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16 mars 2021

Apport de l'échographie et de la radiographie en uro néphrologie

L’échographie et la radiographie sont les deux examens complémentaires d’imagerie accessible en pratique courante. Par Isabelle Testault

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L’échographie et la radiographie sont les deux examens complémentaires d’imagerie accessible en pratique courante. Les intérêts et les limites de ces deux examens sont nombreux et doivent être connus.

L’échographie : un examen de choix

De par son innocuité, l’échographie est utilisée en première intention dans l’exploration des néphropathies et des diverses affections du bas appareil urinaire. Lorsqu’elle n’est pas diagnostique elle guide le clinicien vers la réalisation d’autres examens complémentaires pertinents.

L’échographie rénale : Qu’en attendre ? (1, 2, 3)

L’objectif avoué de l’échographie est de connaître la lésion responsable de l’affection rénale afin de proposer le traitement le plus adapté ; L’échographiste s’attachera à évaluer la  taille du rein (néphromégalie, taille normale ou diminuée ?), les contours (lisses ou irréguliers), l’architecture (conservée ou modifiée) et enfin l’échogénicité. (normale ou augmentée). Les principales modifications sont regroupées dans le tableau 1.

  • Certaines images sont spécifiques d’une lésion (kystes rénaux, périrénaux, nodules métastatiques, certaines tumeurs ).
  • D’autres images manquent de spécificité (une image peut correspondre à des lésions différentes) et justifient le recours à des prélèvements échoguidés (cyto aspiration, biopsies). C’est le cas de beaucoup de lésions inflammatoires.
  • Parfois même, une lésion identique peut se traduire par des images différentes d’un animal à l’autre. Si les données épidémiologiques, cliniques ne permettent pas de conclure, des prélèvements échoguidés seront réalisés

L’échographiste, en même temps qu’il examine le rein et ses caractéristiques, évalue également l’espace rétropériténal (graisse périrénale rétropéritonéale hyperéchogène, épanchement..) et les nœuds lymphatiques loco-régionaux.(hypertrophie du NL rénal) Ces données sont très souvent utiles pour l’interprétation de l’image échographique rénale.

Parfois certaines anomalies rénales visualisées vont guider l’opérateur vers d’autres atteintes.  Ainsi,

  • une pyélectasie importante (hauteur du bassinet supérieur à 13 mm) signe indubitablement une obstruction urétérale (4) (lithiase, tumeur, abouchement urétéral distal anormal…)
  • la présence concomittante d’une pyélectasie modérée et d’un épanchement rétropéritonéal oriente vers une rupture urétérale  dans un contexte traumatique

L’échographie urétérale : très intéressante lors d’obstruction

Lorsque l’uretère est dilaté, il est facilement visualisable en échographie a condition d’être un manipulateur entrainé et d’utiliser des sondes de haute fréquence. L’échographiste s’attachera à suivre le trajet urétéral de sa sortie du  rein jusqu’à son abouchement vésical via la papille urétérale. L’abord échographique est latéral pour  s’affranchir de la masse digestive et pénétrer facilement dans l’espace rétropéritonéal.

Les lithiases urétérales obstructives sont fréquentes dans l’espèce féline et leur nombre semble s’accroitre au fil des années. La sensibilité de l’échographie est excellente pour le diagnostic des obstructions urétérales lithiasiques : lors de lithiase urétérale obstructive le bassinet et l’uretère (> 2 mm) sont dilatés, le calcul apparaît sous la forme d’une petite interface hyperéchogène associée à un cône d’ombre.

Lors de rupture urétérale d’origine traumatique, sur lithiase ou sur tumeur l’échographie ne donne que des éléments de suspicion : épanchement rétropéritonéal, stéatite, pyélectectasie modérée…). Elle sera complétée par une urographie intraveineuse ou d’un scanner.

Lors d’ectopie urétérale, la présence d’un mégauretère facilite l’exploration, ce dernier pouvant être suivi au delà du trigone vésical. Dans le cas contraire (uretère ectopique de taillle normale) l’échographie est difficile et demande un manipulateur expérimenté ainsi qu’une préparation du patient (injection par voie veineuse de furosémide) permettant de repérer plus facilement les uretères.

L’échographie vésicale : l’incontournable (1, 6) !

C’est l’examen complémentaire de choix dans l’exploration de la majorité des affections vésicales. La vessie normale présente une paroi fine, régulière et un contenu anéchogène. L’échographiste analyse les anomalies de taille, de paroi, de position et de contenu. La sensibilité et la spécificité de cet examen sont excellentes.

  • Les anomalies de paroi : UN épaississement pariétal peut être le signe d’une inflammation (cystite) ou d’une tumeur. Une paroi épaisse irrégulière en face ventrale craniale est évocatrice d’une cystite (bactérienne ou par calcul). Un épaississement irrégulier plus ou moins important en région caudale dorsale (trigone vésical) est évocateur de l’évolution d’une tumeur vésicale. Des prélèvements par sondage urinaire sont possibles, l’échographie permettant de guider la sonde au contact de la lésion pariétale et d’obtenir, par aspiration, des échantillons pour analyse cytologique. L’échographie permet également de réaliser un bilan d’extension locorégional : évaluation précise de la taille de la tumeur, de sa localisation et de l’envahissement potentiel de l’urètre et des nœuds lymphatiques drainant la vessie (NL hypogastriques, NL iliaques médiaux …)
  • Les anomalies de contenu : les calculs se traduisent par une interface hyperéchogène avec cône d’ombre. Lorsque les calculs sont de très petite taille ils produisent des images dites en queue de comète. Les hématomes sont d’échogénicité tissulaire plus ou moins mobiles. Parfois l’urine très concentrée riche en sédiments apparaît échogène.

Les anomalies de taille et/ou de position : Une « grosse » vessie peut évoquer une rétention urinaire pathologique (obstruction urétrale, dyssynergie vésico sphinctérienne…). à l’inverse une vessie de petite taille difficile à visualiser parce que trop caudale peut évoquer une vessie pelvienne ou une hernie périnéale

L’examen échographique vésical peut être complété d’une cystocentèse échoguidée si l’analyse d’urine n’a pas été effectuée auparavant.

L’échographie urétrale : un examen très limité

L’échographie urétrale présente un intérêt très limité, l’urètre ne pouvant être exploré dans sa totalité. Tout au plus pouvons nous visualiser la partie proximale de l’urètre chez la chienne, la chatte et le chat. Chez le chien la partie pénienne de l’urètre peut être  également imagée.  A ce niveau, des calculs sont souvent visibles.

Les sténoses urétrales et les tumeurs seront explorées par urétrographie rétrograde

La radiographie : que reste t-il ? (7, 8, 9)

Supplantée par l’échographie dans l’exploration du rein et de la vessie, la radiographie garde tout son intérêt dans l’exploration des affections urétérales et urétrales et dans la mise en évidence des lithiases dans le tractus urinaire au sens large. La sensibilité de la radiographie des voies urinaires (uretère, vessie et urètre) est améliorée par l’utilisation des produits de contraste (Urographie intraveineuse, cystographie, urétrographie)

Radiographie sans préparation : performante pour les lithiases

Les reins : La radiographie n’apporte pas de renseignements supplémentaires par rapport à l’échographie. elle souffre d’une sensibilité et d’une spécificité plus que médiocres. Elle permet néanmoins d’analyser la taille des reins, leur contours et la présence ou non d’éléments radio opaques (lithiases, calcifications).

Les uretères ne sont normalement pas visibles sur un cliché radiographique sans produite de contraste. Des calculs urétéraux (éléments radio opaques de petit diamètre) sont parfois observés dans la zone de projection de l’espace rétropéritonéal sur une vue de profil. En revanche, les ruptures et tumeurs urétérales sont mises en évidence par l’utilisation des produits de contraste (urographie intraveineuse).

La vessie : Des anomalies de taille, forme, position, contenu et parois sont parfois visibles sur les radiographies sans préparation. Comme pour le rein, la radiographie n’apporte pas de renseignements complémentaires à l’échographie et souffre d’un manque de sensibilité et de spécificité sauf dans la mise en évidence des calculs radio opaques ou d’une cystite emphysémateuse.

L’urètre : Comme pour les uretères, l’urètre sur un cliché sans préparation n’est pas visible ; En revanche, lors de lithiase obstructive ou non , les calculs sont mis en évidence. L’intérêt majeur de la radiographie urétrale est de pouvoir dénombrer les calculs urétraux avant et après rétropulsion et s’assurer qu’ils sont bien tous repoussés dans la vessie avant cystotomie.

L’urographie intraveineuse : idéale pour l’exploration des uretères

Tecnhique

L’animal doit être à jeun depuis 24 heures.  2ml/kg de produit de contraste iodé (Télébrix NDH) sont injectés par voie veineuse.L’incidence ventro-dorsale est obtenue dans les 20 premières secondes, puis 5, 20 et éventuellement 40 minutes après injection. L’incidence latérale est faite 5 minutes après l’injection. Les incidences obliques (face avec une légère rotation) sont réalisées entre 3 et 15 minutes après injection pour visualiser l’abouchement des uretères.

Intérêt dans l’exploration du rein 

L’UIV est un examen peu spécifique et peu sensible surtout si la fonction rénale est très altérée. Elle peut même parfois s’avérer dangereuse. En pratique, elle n’est pratiquement plus utilisée.

Intérêt dans l’exploration des uretères

L’UIV est l’examen complémentaire de choix pour le diagnostic des affections urétérales :

  • Une fuite du produit de contraste est constatée dans la zone de projection de l’espace rétropéritonéal lors de rupture urétérale. Elle fait partie intégrante du bilan d’extension du polytraumatisé surtout lorsque l’échographie a décelé des signes suspects.
  • Une dilatation globale, régulière d’un ou des deux uretères est secondaire à une anomalie congénitale ou à une obstruction
  • Une dilatation focale, a contours irréguliers évoque en premier lieu un processus néoplasique
  • Un abouchement uérétéral distal au delà du trigone vésical signe une ectopie urétérale. Lors de suspicion d’ectopie urétérale, l’UIV est diagnostique dans 80 % des cas (10)

Urétrographie rétrograde : souveraine pour l’exploration des affections urétrales

Technique, images normales

Une sonde de Foley est placée à l’extrémité de l’urètre pénien ou à l’entrée du vagin. Le ballonnet est gonflé afin d’assurer l’étanchéité. 2 à 10 ml/kgsont injectésdans la sonde et les clichés sont réalisés. Le remplissage doit être homogène et la surface muqueuse urétrale lisse et régulière.

Images anormales

  • Un calcul urétral apparaît comme une image par soustraction centrale, luminale, à contour lisse, arrondi. Elle peut être confondue avec une bulle d’air. Il est nécessaire en cas de doute de renouveler le cliché pour confirmer la persistance de cette image par soustraction.
  • Un processus néoplasique, inflammatoire ou cicatriciel se traduit par une image par soustraction pariétale, irrégulière à large base contre la paroi.
  • Enfin, l’urétrographie rétrograde est l’examen de choix pour la mise en évidence d’une rupture urétrale avec fuite de produit de contraste dans les tissus mous. Ces ruptures peuvent être post-traumatiques, post-chirugicales ou encore à la suite d’un sondage difficile.

Conclusion

La bonne connaissance des intérêts et limites de l’échographie et de la radiographie permet de hiérarchiser ces examens dans l’exploration des affections du haut et bas appareil urinaire. Le scanner, en voie de démocratisation, peut également apporter de multiples informations. L’avenir est sans nul doute l’exploration fonctionnelle du rein par des techniques d’imagerie pour le moment très peu accessibles (scintigraphie)

A lire :

  • Nyland TG et coll (2002) Urinary Tract. In : Small animal diagnostic ultrasound, second edition  (Nyland TG,Ed). (eds) : WD Saunders Co, Philadelphia, 159-195
  • Marc Andre D’Anjou MA. Kidneys and ureters (2008). In Atlas of Small animal Ulrasonography, Blackwell publishing, Iowa 339-364.
  • Widmer WR et coll (2004) Ultrasonography of the urinary tract in small animals. J Amer Vet Med Ass, 225 (1), 46-54.
  • D’anjou MA (2011) clinical significance of renal pelvic dilatation on ultasound ni dogs and cats. Vet radiol and ultrasound, 52 (1), 88-94.
  • Kyles et coll (2005) : Clinical, clinicopathologic, radiographic, and ultrasonographic abnormalities in cats with ureteral calculi : 163 cases (1984-2002). J Amer Vet Med Ass 226 (6), 932-936.
  • Sutherlan-Smith (J) (2008) Bladder and urethra. In Atlas of Small animal Ulrasonography, Blackwell publishing, Iowa 365-383.
  • Feeney DA et coll. (2002) The kidney and ureters. In : veterinary diagnostic radiology, fourth édition (Thrall ET, Ed), Saunders Co, Philadelphia, 556-570.
  • Park et coll (2002) The Urinary Bladder. In veterinary diagnostic radiology, fourth édition (Thrall ET, Ed), Saunders Co, Philadelphia, 571-587.
  • Pechman RD (2002) The urethra. In veterinary diagnostic radiology, fourth édition (Thrall ET, Ed), Saunders Co, Philadelphia, 588-592.
  • Cannizo KL et coll (2003) Evaluation of transurethral cystoscopy and excretory urography for diagnosis of ectopic ureters in female dogs : 25 cases (1992-2000). J Amer Vet Med Ass, 223 (4), 475-481.