Catégorie : Urgences

Par le Dr Virginie Israël, ancienne intern au CHVAtlantia – promotion 2020-21

Qu’est-ce qu’une intoxication aux anticoagulants ?

La majorité des raticides sont à base d’anticoagulants. Une intoxication par des raticides est la deuxième cause d’intoxication chez le chien après les insecticides, et se traduit par des hémorragies pouvant être mortelles. 

Ces substances agissent par leur action sur la vitamine K. La vitamine K assure la transformation des précurseurs de nombreux facteurs de coagulation. Les raticides anticoagulants diminuent la quantité de vitamine K active disponible, entraînant une pénurie de facteurs de coagulation, et donc un risque hémorragique.  

Contrairement à une idée reçue, l’ingestion d’un rongeur intoxiqué n’est pratiquement jamais en cause lors d’une intoxication aux anti-coagulants. 

En cas d’ingestion d’anticoagulants, dans la mesure du possible, prendre l’emballage du produit concerné pour le montrer au vétérinaire. En effet, il existe autant de sortes de raticides anticoagulants que de formes disponibles (grains en vrac ou en sachets, blocs, pates, liquides, poudres…). Les raticides (rodenticides) anticoagulants peuvent être classés en 3 catégories :

  • Rodenticides anticoagulants de 1ère génération : Coumafène (warfarine), Coumatétralyl, Chlorophacinone, Difacinone, Coumachlore. Avec une persistance du toxique dans l’organisme de 7 à 15 jours.
  • Rodenticides anticoagulants de 2ème génération : Bromadiolone, Difénacoum. La persistance du toxique dans l’organisme est de 15 à 21 jours.
  • Rodenticides anticoagulants de 3ème génération : Brodifacoum, Diféthialone, Flocoumafène. La persistance du toxique dans l’organisme est de plus de 21 jours.

A noter que cette 3ème génération, la plus agressive et la plus mortelle, est maintenant communément répandue. 

Comment se fait le diagnostic ?

Les signes cliniques apparaissent entre 1 à 12 jours après l’ingestion. 

Les premiers et parfois les seuls symptômes peuvent être frustes avec des signes généraux, tels que fatigue, léthargie, baisse de l’appétit voire une anorexie, des vomissements, des muqueuses pâles.

Les signes cardio-vasculaires, respiratoires et hémorragiques sont fréquents :

  • difficultés respiratoires (dyspnée), respiration accélérée (polypnée), toux, pouls faibles, augmentation de la fréquence cardiaque (tachycardie).
  • hématomes, saignements gingivaux, du sang dans les urines (hématurie), dans les selles (méléna), des vomissements hémorragiques (hématémèse), des saignements nasaux (épistaxis), des hémorragies oculaires…
  • Certaines hémorragies peuvent aussi ne pas être visibles : hémorragies pulmonaires, hématomes profonds, et saignement articulaire se traduisant par des boiteries, etc.
Anémie marquée chez un chien intoxiqué
Anémie marquée chez un chien intoxiqué, les muqueuses sont anormalement pales

La confirmation de ces intoxications passe par la réalisation de tests sanguins qui mettent en évidence les troubles de coagulation et permettent d’évaluer l’importance de l’anémie.

Dès les 24 heures après l’ingestion du toxique, les temps de coagulation (temps de Quick) sont modifiés et ce, avant même qu’apparaissent les premiers signes cliniques.

Quel est le traitement ?

Si le chien a ingéré le toxique depuis moins de 3 heures, il est utile de le faire vomir. 

Si des signes cliniques sont présents, l’hospitalisation devient indispensable. Un traitement spécifique (« antidote » vitamine K) peut alors être institué, associé à une réanimation médicale.

Quel est le pronostic et comment se déroule le suivi ?

L’intoxication aux anticoagulants est une urgence vétérinaire absolue. La gravité varie selon l’importance des signes cliniques au moment de la prise en charge.

Le pronostic est favorable lorsque le diagnostic est précoce et le traitement rapidement mis en place. En revanche, en l’absence de traitement, cette intoxication devient mortelle pour l’animal en quelques jours.

Que retenir des intoxications aux anticoagulants ?

  • Les intoxications aux anticoagulants peuvent être mortelles 
  • Le toxique ingéré peut rester plus de 3 semaines dans l’organisme
  • Ces intoxications sont rarement liées à l’ingestion d’un rongeur contaminé 
  • Une transfusion peut s’avérer indispensable dans les cas les plus graves