Catégorie : Orthopédie et rhumatologie

La prothèse unicompartimentale du coude est un système de remplacement articulaire qui permet de suppléer partiellement les surfaces cartilagineuses érodées de la partie médiale de l’articulation.

Par le Dr Stéphane Bureau, Dipl ECVS, spécialiste européen en chirurgie

Dans la fin des années 2000, James L. Cook, et Kurt Schultz, en association avec l’ingénieur d’Arthrex Josh Karnes, ont développé une technique de prothèse unicompartimentale du coude chez le Chien. Le but de cette prothèse est d’aider à la gestion de certains chiens boitant à cause de douleurs au coude secondaires à une «maladie du compartiment médial».

Le compartiment médial du coude regroupe les structures anatomiques de la face interne du coude. Cette partie est souvent affectée lors de dysplasie du coude et le terme de « maladie du compartiment médial » est alors employé. Chez certains chiens, cette maladie se traduit plus spécifiquement par une érosion, une perte du cartilage avec exposition de l’os sous chondral (l’os situé sous le cartilage). L’os contient des fibres nerveuses (les nocicepteurs) qui sont alors stimulées et entrainent une forte douleur. L’origine de cette érosion du cartilage est mal déterminée. Il est suspecté que des forces excessives causées par un défaut d’alignement des surfaces articulaires (désigné sous le terme d’incongruence), un surpoids, un niveau d’activité élevé, puissent provoquer une charge excessive du compartiment médial.

Des traitements médicaux utilisés pour prendre en charge l’arthrose peuvent être utilisés en première intention pour soulager l’inflammation et la douleur. Néanmoins, aucune preuve scientifique de leur efficacité est rapportée dans le cas spécifique de l’érosion. Dans certains cas, une légère amélioration est notée mais la disparition temporaire des signes cliniques conduit à une prise en charge chirurgicale retardée.

Il existe plusieurs traitements chirurgicaux pour traiter l’érosion du compartiment médial dont la prothèse unicompartimentale du coude.

Principe de la prothèse

La prothèse unicompartimentale est un système de remplacement articulaire qui permet de suppléer partiellement les surfaces cartilagineuses érodées de la partie médiale de l’articulation. Elle permet de remplacer le contact os sur os par un contact implant sur implant pendant l’appui et permet donc de soulager les pressions et les frottements articulaires. Elle présente plusieurs avantages: la restoration d’une charge la plus physiologique possible dans le compartiment médial; le maintien de la pronation supination; la conservation de la cinématique articulaire; une implantation sans altération des structures articulaires stabilisatrices; une faible morbidité. Par contre elle ne permet la prise en charge que d’une partie du cartilage et ses indications doivent donc être parfaitement posées.

Etapes préliminaires

Les examens d’imagerie (radiographie et/ou scanner) souvent réalisés, dans le cadre de l’exploration du coude douloureux et pour le diagnostic de la dysplasie, ne permettent pas d’apprécier l’érosion cartilagineuse. Ils ne visualisent que le tissu osseux, pas le tissu cartilagineux. Ainsi sont mises en évidence des lésions d’arthrose, un collapsus ou effondrement de l’articulation, une incongruence. L’examen de choix pour évaluer le tissu cartilagineux et déterminer si la pose d’une prothèse unicompartimentale est indiquée est l’arthroscopie.

L’arthroscopie est un acte chirurgical consistant à introduire une caméra dans l’articulation. Elle permet de faire un bilan lésionnel du cartilage et des structures intra-articulaires (figure 1), un lavage articulaire réduisant l’inflammation et un éventuel traitement de certaines lésions (comme par exemple le retrait de fragment de cartilage).

Coude atteint d’une érosion du compartiment médial

Figure 1 : Images arthroscopiques. A. Coude atteint d’une érosion du compartiment médial: le cartilage (en blanc) a quasiment disparu laissant apparaitre largement l’os sous chondral (rosé). Il y a également un fragment ostéo-cartilagineux correspondant à la pointe du coronoïde

compartiment médial d’un coude sain

B. Par comparaison le compartiment médial d’un coude sain: le revêtement cartilagineux est homogène, blanc.

Nature de la prothèse

La prothèse développée par Arthrex est en deux parties : une partie humérale et une partie ulnaire (figure 2).

Le composant huméral a une forme en huit ou de raquette à neige. Il est composé d’une surface en cobalt-chrome, lui accordant résistance et durabilité, montée sur une base en titanium (Biosync) ayant une forte résistance à la corrosion et une excellente biocompatibilité. Cette base permet la croissance osseuse et la stabilité de l’implant à moyen et long terme.

Le composant ulnaire est composé de la même base, avec une surface en polyéthylène de très haut poids moléculaire, légèrement bombée. Les implants sont disponibles en deux tailles, permettant de couvrir une large gamme de poids (25-75kg), dont le choix est déterminé pendant l’intervention. Une combinaison (M avec L) est possible. Ces implants ont été développés pour être de petite taille tout en assurant un contact réciproque au delà de l’amplitude physiologique évaluée en moyenne de 111° à 136°.

implant coude chien

Figure 2 : Implant de Canine Unicompartmental Elbow (CUE) Arthroplasty System, développée par Arthrex. A. composant huméral. B. Composant ulnaire. Au cours de la chirurgie, une attention particulière est portée sur la position des implants, qui doivent, in fine, s’affronter quelque-soit le degré de flexion du coude.

Deux forages sont réalisés, dans l’ulna puis dans l’humérus et les prothèses sont impactées dans l’os (figure 3). L’ostéo-intégration des prothèses se fait progressivement en 3-4 mois.

Figure 3 : Radiographies postopératoires (vues de face et de profil). Les deux éléments d’opacité minérale correspondent à la prothèse. Les deux composants de la prothèse sont en contact et limitent ainsi les contacts os-os.

Soins postopératoires

Suite à la chirurgie, un pansement contentif à changer tous les 15 jours est mis en place pendant 4 à 6 semaines. Il est associé à une restriction stricte de l’activité (pas de sauts, pas de course, pas de jeux et sorties en laisse courte) pendant 12 semaines. Une reprise progressive de l’activité est ensuite recommandée pendant 3 mois, pouvant être associée à de la physiothérapie.
Des contrôles radiographiques à 6 semaines, 3 mois et 6 mois postopératoires permettent de s’assurer de l’intégration des implants, de la bonne évolution clinique et d’ajuster la prise en charge si besoin.
Sur des animaux en surpoids, la perte de poids est également conseillée car elle permet de diminuer les contraintes sur l’articulation douloureuse.

Pronostic

Le pronostic fonctionnel post-opératoire est bon à réservé. Dans une étude multicentrique sur 52 cas publiée en 2019, la fonction du membre est parfaite ou acceptable dans 98% des cas lors du suivi à 7 mois avec un taux de complication global d’à peine 20%. Un article dans la presse vétérinaire française publiée par un des chirurgiens du CHVA, le Dr Bureau, rapporte sur 9 prothèses un résultat excellent dans 44,5% des cas avec une disparition complète de la boiterie lors du suivi à 6 mois, et acceptable dans 55,5% des cas avec une nette amélioration de la fonction et de l’appui mais persistance d’une boiterie par moments.
Les chiens plus âgés semblent récupérer moins bien que les jeunes. La récupération et l’obtention du résultat « final » peut demander plusieurs mois.

Références

  • KA. Bruecker, K Benjamino, A Vezzoni, et al. Canine Elbow Dysplasia: Medial Compartment Disease and Osteoarthritis, Veterinary Clinics of North America: Small Animal Practice, Volume 51, Issue 2, 2021, pp 475-515.
  • Cook JL, Schulz KS, Karnes GJ, et al. Clinical outcomes associated with the initial use of the Canine Unicompartmental Elbow (CUE) Arthroplasty System(®). Can Vet J. 2015;56(9):971-977.
  • Bayer K, Winkels P, Andreoni AA, et al. Complications and short-to-midterm results in a case series of 52 CUE procedures using a modified caudo-medial approach. Open Vet J. 2019;9(3):205-215. doi:10.4314/ovj.v9i3.4
  • Garcia M, Bureau S. Indications et intérêts de la prothèse unicompartimentale du coude. Revue vétérinaire clinique 2020 https://doi.org/10.1016/j.anicom.2020.08.002

La prothèse totale de hanche (PTH) a été développée pour le traitement des affections irréversibles de la hanche. Elle est réalisée chez l’homme depuis 1962. Chez le Chien, la première PTH date de 1974.

Les premières prothèses étaient cimentées et de conception simple, puis sont apparues les prothèses modulaires de type Biometrix et Porte. L’étape suivante a été le développement des prothèses non cimentées ou biologiques avec des résultats similaires. Il existe également des prothèses à double mobilité destinées à réduire les risques de descellement et de luxation Les prothèses se sont ensuite miniaturisées. La dernière innovation est la technique de « resurfaçage » articulaire encore à l’état expérimental.

Une prothèse est dite cimentée lorsque l’interface entre l’implant et l’os de l’animal est une couche de ciment orthopédique. Une prothèse non cimentée ou biologique est recouverte d’un revêtement particulier permettant une bio-intégration et une croissance osseuse qui assure la tenue dans le temps. Elle est initialement « impactée » dans l’os. Il n’existe pas de supériorité de l’une par rapport à l’autre. Le choix repose sur des critères individuels (âge de l’animal, qualité de ses corticales, anatomie de ses os…) et sur les préférences du chirurgien.

Quelles sont les indications d’une prothèse totale de hanche chez le Chien ?

L’indication principale est la prise en charge d’une hanche dysplasique douloureuse. Le terme de dysplasie peut se traduire par « anormal »: la hanche présente une laxité excessive qui aboutit à une usure, une arthrose, prématurée dans la vie de l’animal. Les autres indications potentielles, plus rares, sont: les fractures non réparables; certaines luxations traumatiques, voir la nécrose aseptique de la tête du fémur (disparition de la structure osseuse suite à une altération vasculaire).

La dysplasie est une affection souvent bilatérale. Néanmoins, dans 80% des cas, une intervention unilatérale permet de soulager l’animal. C’est le coté le plus clinique, le plus douloureux, qui est traité en priorité. Il n’est néanmoins pas connu l’influence d’une simple implantation sur la durée de vie de la prothèse lors d’affection bilatérale.

Le but est de permettre au chien douloureux chronique, ne répondant pas au traitement médical, de revenir à un niveau d’activité normal. La récupération a lieu en 3 mois. Le chien doit être mature, en bonne condition physique, sans autre affection orthopédique ou neurologique. Elle est contre indiquée lors d’affection systémique.

Quel est le principe de l’intervention ?

La cavité articulaire de la hanche est creusée afin d’y mettre une cupule: sorte de demi-sphère. Une tige fémorale est placée au centre du fémur. Les deux sont liées par une tête fémorale ou bille en métal. La PTH chez le Chien repose sur le même principe que la PTH chez l’Homme.

Extrait de vidéo de pose de PTH Biomedtrix

https://www.youtube.com/watch?v=5sflLLuWSQ0

Comment se déroule la pose d’une prothèse totale de hanche ?

La première étape est celle de la planification. Pendant cette visite, le chirurgien spécialiste s’assure que l’animal ne présente pas d’autres affections telle qu’une otite, un abcès dentaire… qui sont des contre-indications en raison du risque infectieux majoré. Il recueille également toutes les informations qui lui permettent de déterminer si la PTH est le traitement adapté au cas de l’animal. Près de 80% des chiens référés pour une prothèse ne sont pas implantés car il existe une autre affection (par exemple une rupture du ligament croisé), une contre-indication (une maladie systémique). Le chirurgien peut alors décider d’examens complémentaires (par exemple un scanner s’il suspecte une hernie discale chronique sur un chien âgé, une analyse d’urine avec examen cyto-bactériologique) et va réaliser plusieurs clichés radiographiques sous anesthésie. Le but est de déterminer précisément les particularités anatomiques de l’animal tant au niveau de son fémur, que de son bassin, le degré d’arthrose et de modifications osseuses associées. Il va ainsi pouvoir planifier sa chirurgie en décidant quel implant sera utilisé, quelle taille…et quelle difficulté potentielle il peut être amené à rencontrer. Même si le plan prévu est adaptable rendu au bloc opératoire, il est préférable d’anticiper. Un peu comme une randonnée en montagne…il est préférable de connaitre le profil de la ballade avant de partir pour mieux se préparer.

La seconde étape est celle de la chirurgie. La pose d’une prothèse totale de hanche est une intervention très codifiée. C’est toujours la même équipe, la même procédure. C’est, sauf de très rares exceptions, la première intervention de la journée. N’hésitez pas à visionner cette courte vidéo qui explique la pose d’une prothèse Biomedtrix, un des types de prothèse posés au CHVA (https://www.youtube.com/watch?v=5sflLLuWSQ0). L’animal reste hospitalisé pendant 48-72h, temps nécessaire pour prendre en charge de manière optimale sa douleur, s’assurer de la qualité de son appui. La plupart des chiens appuient dès le lendemain de la chirurgie.

Commence alors la phase de la convalescence pendant laquelle le propriétaire joue un rôle déterminant. Il faut pendant les 15 premiers jours maintenir une collerette pour éviter le léchage de la plaie opératoire. La recommandation principale est un repos strict pendant 3 mois: pas de course, pas de saut, sorties exclusivement en laisse. Lors des sorties, il faut être vigilant qu’il ne glisse pas. Cela demande à chaque membre de la famille de faire attention mais c’est un point essentiel dans la réussite de l’intervention. Des clichés radiographiques sont réalisés à 4-6 semaines et 8-10 semaines pour confirmer la bonne intégration et stabilité de la prothèse.

Quel pronostic espéré ?

La pose d’une PTH permet la récupération d’une fonction normale dans la grande majorité des cas.  Le taux de satisfaction des propriétaires est de 94% dans une étude multicentrique sur 170 cas. Dans une autre étude publiée en 2003, les résultats sont bons à excellents dans 83% des cas sur des chiens de poids moyen 19kg.

Il existe néanmoins un risque de complications potentiel dans 9 à 22% des cas selon les études publiées. Le poids élevé et une intervention préalable sur la hanche sont des facteurs de risque. Les complications les plus fréquentes sont l’infection, la luxation de la prothèse, la fracture fémorale, la migration d’un implant, une neurapraxie sciatique (atteinte du fonctionnement du nerf sciatique).